Il y a presque deux ans que j’ai fait la connaissance avec ce livre de Marie de Hennezel1, une invitation à voir plus loin pour aborder le temps qui passe non pas comme une fatalité mais des occasions sans cesse renouvelées pour vivre sa vie avec plus de lucidité et d’émerveillement.
Ces dernières semaines d’actualité ont été particulièrement sombres, la culture de la peur n’en a pas fini avec nous et ce ne sont pas nos dirigeants qui vont aider à arranger les choses manifestement.
Dans mon précédent article je réagissais à l’attaque qu’a subi le quotidien français Charlie Hebdo, réaction sur le vif, ému et attristé comme beaucoup d’entre vous.
Ces événements sont encore tout frais, et rare sont les articles de journaux qui cherchent les causes de ce désordre dans autre chose que le fondamentalisme religieux.
Oui, voilà une cible toute trouvée, et bien sûr que des manipulateurs sans scrupules étaient engagés pour arriver à leur fin et aux abominations auxquelles nous avons assisté (en France, au Pakistan, au Nigéria…), mais qu’est-ce qui donne tant de pouvoir à ces personnes ? Pourquoi des jeunes gens ayant toute la vie devant eux choisissent cette voie de la haine, de la peur ? N’ont-ils aucune confiance dans le système dans lequel nous évoluons chaque jour ?
Petit rappel du bon usage éducationnel pour nous et nos enfants.
Amour
La base. A notre époque les clichés ne manquent plus pour dépeindre le fruit de l’union de deux personnes, l’enfant, comme un magnifique acte d’amour, l’expression la plus belle et la plus concrète qui soit pour un couple. Evidemment la réalité est bien plus nuancée et l’image parfaite aperçue à l’origine peut dériver peu à peu : tensions, difficultés de communication, distance, décès, abandons, etc…
Les défis à relever pour les jeunes parents sont nombreux. Les « accidents de parcours » sont légions et rare sont ceux qui sont épargnés, car cultiver un amour véritablement inconditionnel et désintéressé n’est pas quelque chose d’inné, c’est un sérieux apprentissage qui demande la plus grande détermination et une humilité à la hauteur de l’ambition.
Cela commence donc à la maison, chez soi, l’enfant attend de ses parents cet amour essentiel à sa survie et son épanouissement, de la tendresse et de l’affection, sans cela son développement pourra en être fortement perturbé comme les travaux du psychiatre René Spitz2 l’ont démontré en son temps.
Puis vient l’entourage familial, les frères et sœurs, les grands-parents, les amis. Et encore plus loin les camarades de classe, les instituteurs, etc…
Pouvoir se sentir aimé à tout instant de toutes ces personnes n’est certainement pas réaliste, mais tant que le noyaux dure est là pour soutenir l’enfant et l’accompagner sur son chemin, c’est déjà une belle réussite.
Sécurité
Bien, les bonnes intentions sont là, l’amour est là, l’enfant en reçoit en abondance ce qui répond à un de ses besoins fondamentaux. Mêlé à l’amour vient se greffer sa petite sœur la sécurité car sans elle ce serait pas très chouette cette affaire.
L’amour reçu et perçu par l’enfant est primordial, tout comme le sentiment de grandir et d’évoluer dans un climat sans tensions.
Deux parents peuvent à la fois se détester et donner tout leur amour à leur enfant, indépendamment l’un de l’autre. Un frère ou une sœur plus âgé peut faire subir des pressions ou des humiliations à l’enfant alors qu’il est choyé par ses parents. Cela peut aussi arriver dans le cadre d’une activité extérieur, à l’école ou ailleurs.
Tous ces exemples illustrent des situations qui, pour un jeune enfant, ne sont pas particulièrement simple à gérer et intégrer. En tant qu’adulte nous avons normalement la force pour y faire face mais une personnalité encore en devenir n’est pas suffisamment équipée pour cela. Heureusement pour la survie de l’humanité, la nature est bien faite, pour se protéger l’enfant n’a pas d’autre choix que mettre en place des mécanismes de défenses indispensables à sa survie, mais en contrepartie, son développement et son épanouissement en seront affectés et il en gardera des traces même jusque dans sa vie d’adulte. Ne vous en faites pas, puisque nous passons tous par là en tant qu’enfant, les dysfonctionnements sont bien entendu à la hauteur des traumatismes subis, pas de quoi voir débarquer des sociopathes pour une querelle de cours d’école, on est d’accord.
Liberté
Bravo ! Vous cumulez deux merveilleuses attitudes à l’égard de votre enfant, il ou elle est plus que bien partie dans la vie avec tout cet amour dans ce si bel environnement qu’est le sien. Seulement, il ne faudrait pas trop jouer la surprotection non plus, et ne surtout pas l’étouffer et l’enfermer dans une prison dorée.
Un dernier point important pour l’aider à grandir, c’est de l’encourager à être qui il est, à le laisser s’exprimer en toute liberté, avec un cadre bien sûr, mais ne pas l’empêcher de déployer toute sa personnalité et son identité, unique et indispensable.
C’est tellement tentant de vouloir un enfant à son image que sans même s’en rendre compte on peut l’orienter et imposer des choses qui ne lui correspondent pas et l’entravent dans sa croissance. Prudence et clairvoyance !
C’est l’idéal, et malheureusement de nombreux pays et communautés ne peuvent espérer offrir cela à leurs enfants, soit car le contexte sociétaire ne le permet pas soit parce qu’ils n’ont même pas conscience de l’importance d’une bonne éducation, n’en ayant jamais reçu une eux-même.
Après cette courte synthèse de belles attitudes vers lesquelles je vous invite à tendre, j’ajouterai que pour éviter de nouveaux malheurs dans l’avenir ce n’est pas seulement à de nouvelles mesures sécuritaires auxquelles nous devons faire appel, mais aussi bien prendre le temps de s’arrêter et de se regarder dans le miroir, car la racine de ce désordre c’est nous avant tout, pas l’autre.
Evidemment, on ne voit pas passer de gros titres « pour prévenir les attentats : aime ton prochain et il te le rendra bien », ah ben non, ça passerai pas vraiment, puis y’a du boulot avant d’y arriver, chaque chose en son temps.
Ce que je veux simplement exprimer là, c’est ce devoir qui incombe à chaque être humain de se remettre en question et de ne pas céder à la peur par plus de peur. Je rêve d’un monde où chaque professeur enseigne cela aux enfants, aux adultes, que tous les parents portent le même regard d’amour aussi bien sur leurs propres enfants que ceux des autres, un monde où l’on puisse s’entraider sans se soupçonner du pire. Solidarité.
A prôner et encourager un individualisme exacerbée, nous nous sommes littéralement déconnecté les uns des autres, on s’est laissé tomber, et si on n’agit pas consciemment aujourd’hui pour aider à changer les choses, cela finira par nous rattraper demain, mais ce sera beaucoup moins « doux » comme approche.
Ma foi en l’homme n’est pas ébranlée, je pense à toutes les personnes atteintes par ces atrocités, je les ai dans mon cœur, tout comme ceux qui les commettent car leur propre souffrance et l’ignorance dans laquelle ils sont maintenus devraient être la priorité.
Le rassemblement historique du dimanche 11 janvier 2015 est une lueur d’espoir plus qu’une récupération politique, je veux y croire.
Vivien
1. Marie de Hennezel sur wikipédia.
2. René Spitz sur wikipédia.
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